Le Conseil National propose de taxer les fenêtres publicitaires et les plateformes de streaming pour aider le cinéma suisse… un voeu pieux ?
Les services de streaming, comme Netflix, HBO ou Disney+, devront passer à la caisse et consacrer au moins 4% de leurs recettes au cinéma suisse. Le Conseil national s’est finalement rallié jeudi au Conseil des Etats par 119 voix contre 71.
Face à l’explosion des plateformes en ligne, le gouvernement a concocté un projet pour protéger le secteur. Les services de streaming et les diffuseurs étrangers, comme TF1 ou M6, devront affecter 4% de leurs recettes brutes réalisées en Suisse à la création cinématographique suisse indépendante.
Le point de vue des parlementaires
Ce qui a prévalu du côté des pro-taxe c’est l’idée de créer les mêmes conditions pour les prestataires étrangers et suisses. » Tous les pays voisins connaissent un système d’investissement ou de taxe. Isabelle Chevalley (PVL/VD) a rappelé qu’en France, ce seuil est de 26% du chiffre d’affaires et en Italie de 20%. » Les entreprises qui ne peuvent pas affecter 4% de leur budget au cinéma suisse devront payer une taxe de remplacement. Celle-ci sera due si le seuil des 4% n’est pas atteint en moyenne sur une période de quatre ans.
A l’opposé, on rétorque les entreprises privées ne doivent pas être obligées à soutenir la production étatique. Et Peter Keller (UDC/NW) de plaider pour fixer l’investissement à 2%. Christian Wasserfallen (PLR/BE) aurait voulu renoncer à toute obligation d’investissement. La Suisse met déjà à disposition 150 millions de francs par année. Mais quelle série ou quel film suisse avez-vous regardé ces derniers mois? a-t-il demandé à ses collègues. La Suisse n’a pas le même marché du film que ses voisins. Une coopération avec les plateformes ferait plus de sens. Seule l’UDC et quelques PLR l’ont suivi.
Dérogation limitées
Les dérogations à l’obligation d’investir dans le cinéma suisse seront limitées. Seule la SSR en sera exemptée.
La Chambre du peuple avait dans un premier temps ajouté à la liste les télévisions régionales, ainsi que les entreprises qui exploitent ou investissent dans des réseaux. Par 110 contre 77, elle s’est finalement ralliée au Conseil des Etats. Ceux-ci n’étant de toute façon pas concernés par la nouvelle réglementation, il n’y a pas lieu de prévoir une exception spécifique, a précisé Mme Roth Pasquier.
Le National a également suivi le Conseil des Etats concernant l’imputation des prestations publicitaires. La promotion des films d’origine suisse jusqu’à un montant de 500’000 francs par an et par chaîne de télévision pourra notamment être prise en compte. De même que les contributions pour des institutions d’encouragement du cinéma reconnues par l’office fédéral compétent.
Pour la diversité
Les entreprises de streaming devront garantir qu’au moins 30% de la programmation soit dédiée à des films européens. Ceux-ci devront être désignés comme tels et faciles à trouver. Il s’agit de contrecarrer le risque d’une monoculture et de défendre les spécificités suisses, selon le ministre de la culture Alain Berset.
C’est également une condition pour entrer dans le programme européen « Creative Europe ». Cette obligation vise aussi les entreprises qui ont leur siège à l’étranger et ciblent le public suisse. Des exemptions sont prévues notamment pour les entreprises qui ne proposent qu’occasionnellement des films.
Le Conseil fédéral devra établir un rapport sur les effets des mesures d’encouragement sur la création cinématographique suisse et sur les entreprises assujetties.
Le dossier retourne au Conseil des Etats.